Direction d’une SAS : Priorité des statuts sur les actes extra-statutaires

Décision de la Cour de cassation

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Les règles de direction d’une société par actions simplifiée sont généralement fixées par les statuts de cette dernière. Outre le fait que le gérant puisse être désigné statutairement, se posent également les questions relatives à la durée de son mandat, sa rémunération, les modalités de sa réélection, sa révocation, ses pouvoirs, les modalités de démission et l’indemnisation qui en découle… Entre règles statutaires et règles extra-statutaires (c’est à dire insérées dans un acte sous seing privé), il faut veiller aux règles de priorité qui s’imposent. La Cour de cassation a évoqué cette question dans le cadre d’un arrêt rendu le 12 octobre 2022 (Cass. Com., 12 oct. 2022, n° 21-15.382).

Le problème posé en l’espèce

La situation des parties dans le cadre de cette instance peut largement concerner d’autres dirigeants et associés de société par actions simplifiée (SAS). En l’espèce, une personne était nommée directeur général d’une SAS par décision de l’associé unique, puis révoqué quelques années plus tard.

Les statuts de la société prévoyaient que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l’associé unique » et que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit« .

Un courrier validé par décision de l’associé unique indiquait cependant au directeur général concerné qu’ « en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe« .

Ce dernier a naturellement assigné la société en paiement de son indemnité de révocation conformément au courrier qu’il avait reçu au moment de sa nomination.

La réponse apportée par la Cour de cassation : un acte extra-statutaire ne peut déroger à une règle statutaire

La Cour de cassation raisonne en opérant une hiérarchie entre les règles issues des statuts d’une SAS et les règles issues d’actes extra-statutaires. La Chambre commerciale estime ainsi qu’ « il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger« .

Dans le cas d’espèce, l’acte extra-statutaire allait fermement à l’encontre de la règle posée dans les statuts de la société. Il y avait donc lieu soit d’appliquer l’une, soit d’appliquer l’autre, les deux règles ne pouvant se compléter. Dans cette situation la Cour de cassation a choisi d’appliquer prioritairement les statuts de la société.

Cour de cassation, 12 octobre 2022, n° 21-15.382

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022

M. [Z] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-15.382 contre l’arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l’opposant à la société Euromédicom, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [V], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Euromédicom, après débats en l’audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021), par lettre du 13 mai 2011, M. [V] a été nommé directeur général de la société par actions simplifiée International Trade Exhibition Company France (la société Itec) par décision de son associé unique, la société Euromédicom. Cette dernière l’a révoqué de ces fonctions par décision du 17 décembre 2014.

2. Considérant que sa révocation était intervenue sans juste motif, M. [V] a assigné la société Euromédicom, venant aux droits de la société Itec, en paiement d’une indemnité.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [V] fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande tendant à la condamnation de la société Euromédicom à lui payer la somme de 43 860 euros en raison de la révocation sans juste motif de son mandat de directeur général, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014 et la capitalisation des intérêts, alors « que même si les statuts d’une société par actions simplifiée prévoient que le directeur général peut être révoqué ad nutum par décision de l’associé unique, ce dernier peut, par une décision extra-statutaire obligeant la société, prévoir, par référence à une lettre du même jour, qu’en cas de révocation sans juste motif, le directeur général aura droit à une indemnité ; qu’en l’espèce, nonobstant l’article 12 des statuts de la SAS Itec prévoyant que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l’associé unique » et que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », l’associé unique, par décision du 13 mai 2011, a nommé M. [V] en qualité de directeur général de la SAS Itec et précisé que « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société seront celles figurant dans un courrier en date du 13 mai 2011 adressé par M. [U] au directeur général [M. [V]] », ce courrier indiquant : « en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe » ; qu’en jugeant cependant que seuls les statuts d’une société par actions simplifiée pouvaient fixer les modalités de révocation de son directeur général et qu’ainsi la décision de l’associé unique n’avait pu valablement déroger aux dispositions statutaires prévoyant une révocation ad nutum, la cour d’appel, qui a méconnu l’engagement extra-statutaire pris par l’associé unique obligeant la société Itec, a violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l’article 1103 du même code. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger.

5. Ayant constaté que la lettre-accord du 13 mai 2011 portant convention de direction prévoyait, en cas de révocation pour juste motif, une indemnité forfaitaire égale à six mois de la rémunération brute fixe et que l’article 12 des statuts de la société Itec stipulait que « [l]e directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l’associé unique » et que « [l]a cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », la cour d’appel en a exactement déduit que le procès-verbal de l’associé unique du même jour, procédant à la nomination de M. [V], qui se référait à la lettre du 13 mai 2011 pour « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société », n’avait pu valablement déroger à cette disposition statutaire.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à la société Euromédicom la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux, et signé par lui et M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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